Clara Lemercier Gemptel

         








Influencée par le cinéma d’horreur, je crée dans mes films des corps divers (creux, stéréotypés, angoissants, fantomatiques) qui interrogent tous à leur manière la possibilité d’une altérité au cinéma. À travers eux, je décortique les codes cinématographiques, normes esthétiques, rapports de forces et de domination qui conditionnent la représentation des corps à l’image. Créer ces corps cinématographiques étranges, envers lesquels aucune identification n’est possible, est pour moi une manière d’affirmer que l’image d’un corps est avant tout le produit d’un discours (politique, social, culturel, historique) d’un rapport au réel, à l’espace-temps: une définition idéologique de l’individualité.



Influenced by horror cinema, I create various bodies in my movies – stereotyped, hollow, frightening, ghostly – which question, each in its own way, the possibility of some otherness in cinema. Through these bodies, I unravel the cinematographic codes, the esthetical norms, the power and domination struggles which condition bodies representation. To me, creating these cinematographic and eerie bodies, with which no identification is possible, is a way of affirming that every body representation is above all the product of a political discourse, of a reference to history, to reality, to space and time, of an ideological definition of individuality.


























Soma

2024, 47min15s, HD, Stéréo/5.1







Dans le vacarme permanent des machines, des voix de travailleurs et de travailleuses se font entendre. Des cadres, des infirmières, des assureurs, des commerciaux qui décrivent, avec leurs propres mots, les divers mécanismes, organisations du travail, violences, qui les ont amenés à développer une multitude de symptômes de souffrance physiques et psychiques. En incarnant tour à tour ces récits individuels, d’étranges silhouettes blanches tentent de redonner un corps à ces voix anonymes. Elles traversent ainsi plusieurs espaces labyrinthiques vidés de toute présence humaine: salles d’archives, hangars industriels, blanchisserie hospitalière, bureaux abandonnés.


Amid the constant din of machines, worker’s testimonies are heard. Each in his or her own way, they describe the various mechanisms, work organization and violence that have led them to develop a multitude of physical and psychological symptoms. By embodying these individual accounts, strange white silhouettes attempt to give body to these anonymous voices.













Comédiennes : Fanny Godel-Reche et Lucie Garçon
Réalisation, montage, prise son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel
Image : Coline Costes
Prise son : François Geslin, Lise Lebleux
Montage son : Lise Lebleux
Mixage son : François Geslin
Lumière : Mathilda Bouddau
Script : Louen Poppé
Décors : Clara Degay, Clara de Lencquesaing, Chloé Liberman
Avec le soutien de la Mairie du 4ème arrondissement de Lyon, la blanchisserie hospitalière Saucona de Gleizé, la Préfecture de Mayenne, l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon, l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre de Lyon, le Studio Actarus et le Fresnoy.














Team Spirit

2022, 11min15s, HD, Stéréo/5.1







Une équipe sportive éclairée par de puissants projecteurs s’entraîne dans un espace vaste et sombre. Leurs corps s’y confrontent, s’y soutiennent et s’y effondrent collectivement. Les bruits des cris, gestes, souffles et chutes se mêlent dans l’espace sonore jusqu’à ne plus former qu’un seul et même organisme bruyant. Un corps collectif, à la fois discipliné et solidaire, dans lequel chaque individu s’efface au profit de la structure fragile et informe du groupe.


A sport team trains in a dim and vast space. Bodies collide, support each other, or collapse collectively. The sound of them yelling, moving, breathing, falling – everything merges into one and only organism. This plural body is frail and shapeless, disciplined and supportive altogether.












Installation vidéo de TEAM SPIRIT réalisée dans le bâtiment 22 du Théâtre des Subsistances, juin 2022.
1 écran suspendu / 1 projecteur / 1 ampli / 2 enceintes

Video installation of TEAM SPIRIT made in Théâtre des Subsistances, bâtiment 22, june 2022.
1 suspended screen / 1 projector /1 amp / 2 speakers.







Vues de l’installation sonore et vidéo de TEAM SPIRIT réalisée pour l’exposition collective Clac Slash Crash, à Monopôle à Lyon en 2021.
2 écrans / 2 chaînes en métal / 2 enceintes / 1 ampli / 1 caisson de basses

Views from the sound and video installation of TEAM SPIRIT made for the collective exhibition Clac Slash Crash, at Monopôle in Lyon in 2021.
2 screens / 2 metal chains / 2 speakers / 1 amp / 1 subwoofer.


Cheerleaders : Les Jaguars de Lyon
Entraînement : Morgan D'Orazio
Réalisation, montage son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel
Image : Coline Costes et Mehdi Laïd
Prise son et mixage son : François Geslin et Lise Lebleux
Lumière : Mathilda Bouddau
Script : Valentine Haibette














La Machine à influencer

2022, 6min05s, installation vidéo et sonore sur 4 écrans, HD, Stéréo/2.1







Des centaines de tenues hospitalières glissent le long de rails métalliques. Aucune intervention humaine ne semble régir cette immense et bruyante machine qui trie, lave et repasse les vêtements. Le bruit est assourdissant. Du côté des spectateurs, sur le quatrième écran, un liquide blanc et visqueux apparaît. Il s’écoule lentement jusqu’à fait apparaître la silhouette d’un corps. L’individu se lève puis disparaît. Entourés par les images et les sons de cette usine, les visiteurs se mêlent aux divers corps qu’elle produit, impersonnels, anonymes, uniformes, fantômatiques.


Hundreds of hospital outfits are sliding along metal rails. No human intervention seems to preside over this huge and noisy machine which sorts, washes, and irons clothes. The noise is deafening. On the fourth screen, a white, viscous liquid appears. It flows out slowly until the outline of a body comes out. The individual stands up and then disappears. Surrounded by the pictures and sounds of the factory, visitors mingle with the various, impersonal, anonymous, ghostly bodies it produces



« Hence, it will be as important to think about how and to what end bodies are constructed as is it will be to think about how and to what end bodies are not constructed »
Judith Butler, Bodies that Matter, on the Discursive Limits of « Sex », [1993], New York, Routledge Classics, 2011, p. 12-24









Vue de l’installation de La Machine à influencer pour le Prix de Paris, septembre 2022.
4 écrans, 4 vidéoprojecteurs, 2 enceintes, 1 caisson de basse, 1 ampli.

Views of the The influencing machine’s installation at the Paris prize in Septembre 2022.
4 screens, 4 videoprojectors, 2 speakers, 1 subwoofer, 1 amplifier.



Comédien : Louen Poppé
Réalisation, montage son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel
Régisseur son : François Geslin
Blanchisserie Hospitalière Saucona














Posez vos mains sur son corps

2022, 6min16s, installation vidéo et sonore sur 1 écran, HD, Mono







Une femme, dans la nuit, mime la bande son d’un audioguide. Celui-ci provient de l’exposition L’art et la matière, prière de toucher créée par les musées des beaux-arts de Lyon, Nantes, Lille, Rouen et Bordeaux en 2021. Ainsi détourné, remonté et rejoué, l’audioguide décrit désormais spécifiquement l’expérience tactile supposée des spectateurs touchant les corps sculptés féminins. En l’absence des œuvres elles-mêmes, les mots et expressions choisis pour les décrire mettent en évidence, malgré eux, la manière dont les canons esthétiques issues de l’histoire de l’art occidental imprègnent toujours aujourd’hui notre perception des corps. L’installation est constituée d’une projection et de plusieurs audioguides à disposition des spectateurs.


In the night, a woman mimes the soundtrack of an audio guide. This one is from the exhibition The Art and the matter, please touch created by the museums of fine art of Lyon, Nantes, Lille, Rouen, and Bordeaux in 2021. In the film, the audio guide is distorted, reassembled and replayed. Now, it specifically describes the supposed tactile experience of spectators touching the sculpted female bodies. In the absence of these sculpted female bodies, the words and expressions chosen to describe them highlight, in spite of themselves, the way aesthetic canons from western art history still permeate our perception of bodies today. The installation consists of one projection and several audio guides available to the audience.












Vue de l’installation Posez vos mains sur son corps, pour Prix Linossier en septembre 2022.
1 vidéoprojecteur / 4 casques / 4 moniteurs HF / 1 carte son / 2 bancs.

Views of Place your hands on her body’s installation at the Linossier prize in September 2022.
1 videoprojector / 4 headphones / 4 high frequency transmiters / 1 sound card / 2 benches.



Comédienne : Lucie Garçon
Réalisation, montage son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel














Protocole

Série de films







Deux amies, assises autour d’une table, décrivent des images qu’elles tiennent entre leurs mains. Celles-ci représentent des corps morcelés ou entiers, vivants ou morts, seuls ou en groupe. Jamais le spectateur ne pourra les regarder par lui-même: il est dépendant de leurs descriptions pour se les représenter. À travers une fenêtre, une étrange créature observe la scène.

La série de films Protocole est la déclinaison d’un seul et même film à l’intérieur duquel s’opèrent, à chaque épisode, diverses modifications. Les comédiennes, les images décrites, les méthodes de tournage, les points de vue, les trucages, la synchronicité du son, changent et évoluent de telle manière que la perception que nous avons des corps représentés se modifient au fil des épisodes : la créature, les deux amis, les corps décrits, apparaissent tour à tour absurdes, réalistes, stéréotypés, inquiétants. À partir d’un synopsis commun, il s’agit de comprendre comment divers techniques cinématographiques conditionnent et transforment notre manière de percevoir les différents corps présents dans un film. Le numéro de chaque épisode de Protocole correspond à celui du binôme lors du casting. Ainsi, ces films intègrent volontairement leur réalité de production à leur récit, de manière que les deux deviennent complètement interdépendants.



Two friends, sat at a table, describe several images that they hold in their hands. These images depict bodies, whole or fragmented, dead or alive, alone or in groups. The spectator will never see them through his own eyes; the girls’ depictions are his only support for his own representation. Through a window, an eerie creature watches the scene.

The film series Protocole is the development of one and only film, in which various modifications happens each episode. The actresses, the pictures being described, methods of filming, points of view, the effects, the sound synchronicity, transform in a way that changes our perception of those bodies through the episodes: the creature, the two friends, the bodies being described, appear alternatively absurd, realistic, stereotyped, eerie. Starting from a common synopsis, the matter is to understand how different cinematographic techniques condition and transform our way of perceiving the various bodies presented in a film. Every Protocole episode has a number, which corresponds to the different actresses duos in the casting. This way, the films consciously integrate their material production into their narratives, both becoming completely interdependent.



Protocole n°44

3ème épisode de la série, 2022, 12min08s, HD, Stéréo





Protocole n°34

2ème épisode de la série, 2021, 10min38s, HD, Stéréo





Protocole n°11

1ème épisode de la série, 2021, 10min00s, HD, Stéréo





















Vues de l’installation de la série Protocoles dans trois pièces différentes du bâtiment 22 du Théâtre des Subsistances, juin 2022.
3 écrans / 3 bancs / 6 enceintes.

Views of the films series Protocole’s installation in three different rooms in Théâtre des Subsistances, June 2022.
3 screens / 3 benches / 6 speakers.



Protocole n°44
Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Prise son : Lise Lebleux
Comédiennes : Guillemette Crémése et Marianne Peuch-Lestrade

Protocole n°11
Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Prise son : Lise Lebleux
Comédiennes : Alexia Chazelle et Carla Legay

Protocole n°34
Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Prise son : Lise Lebleux
Comédiennes : Anne-Laure Sanchez et Guenièvre Busto














Listen to the house

2021, 15min04s, HD, Stéréo







Créé aux côtés de Lise Lebleux (artiste sonore), Agnès Gayraud (musicienne et philosophe) et François Virot (musicien), ce film est une balade sonore à l’intérieur de la Villa Gillet, l’ancienne demeure d’une riche famille d’industriels lyonnais, devenue aujourd’hui la maison internationale de l’écriture contemporaine. Il s’agit à travers ce film d’appréhender l’histoire du lieu, non pas uniquement du point de vue de son architecture, mais aussi à partir de ces caractéristiques sonores. Escalier, cave, grenier, grand salon, chaque espace, objet, surface, devient notre terrain de jeu pendant cette exploration. Nous y faisons résonner notre présence de multiples manières : grâce à des objets trouvés, nos voix, nos gestes, nos instruments de musique. Uniquement composé à partir de plans fixes, ce film adopte le point de vue de celle qui reçoit ces présences et qui les fait résonner : la maison elle-même.


Made with Lise Lebleux (sound artist), Agnès Gayraud (musician and philosopher), and François Virot (musician), this movie is a sound walk inside the Villa Gillet, that is the ancient residence of a rich family of industrialists in Lyon, now the international house of contemporary writings. This movie is about apprehending the place’s story, not only from an architectural point of view, but also from its sound characteristics. Stairs, cave, attic, large living room – each space, object or surface becomes our playground during this exploration. We make our presence resonating in several ways: with the help of the objects we find, our voices, our gestures, our musical instruments. This movie is only made up with fixed shots, and in that regard adopts the point of view of the one receiving these presences and making them resonate; the residence itself.









Réalisation, image et son : Clara Lemercier Gemptel
En collaboration avec Lise Lebleux, Agnès Gayraud et François Virot.














Séquence n°8

2021, 4min30s, HD, Mono, Boucle






La modèle d’une de mes séries photographiques trie les images que j’ai faites d’elle. Elle en sélectionne un certain nombre afin d’en constituer un ensemble. Elle montre ensuite ces images à la caméra, créant ainsi une forme de séquence cinématographique image par image. Une mise en mouvement du corps photographié qui, pour une fois, est réalisée par celle qui s’y trouve représentée.

The model of one of my photographic series sorts the pictures I shot with her. She selects a few of them to form a set. Then she shows these pictures to the camera, creating a sort of cinematographic sequence, frame by frame. Put into motion, that photographic body is, for a change, made by the one being depicted.





Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Modèle : Yônah Simonet
Doublage et mixage son : François Geslin















Imitation d'un paysage

2021, 3min16s, HD, Stéréo







Au milieu d’un paysage désert, un phénomène se produit : une surface mouvante, déformée par le vent, vient rompre la monotonie du paysage. Entre toile et lambeaux de peau, cette mince présence transparente semble résister au néant qui l’entoure. Progressivement, celle-ci cadre et compose avec l’horizon avant de le recouvrir complètement.

In the middle of an empty landscape, a phenomenon happens: a moving surface, deformed by the wind, suddenly breaks the landscape’s dull stillness. In between the canvas and the strips of skin, this faint and transparent presence seems to resist to the void around. Progressively, it frames the horizon and composes with it, before covering it entirely.



Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Composition sonore : Lise Lebleux
















Procession

2020, 3min20s, HD, Stéréo







Éclairées par les phares d’une voiture, des personnes traversent un champ. D’abord en trois dimensions, leurs corps se décomposent progressivement sous l’effet de la lumière pour ne plus devenir que des ombres projetées sur l’herbe jaunie. Le son oppressant et entêtant du moteur en marche, la lumière des phares, semblent prendre alors la forme d’un projecteur de cinéma.

Under the light of car headlights, a few people are crossing a field. First in three dimensions, their bodies progressively fade due to the light effect, until they become shadows cast upon the yellowed grass. The oppressing and heady sound of the car’s motor running, the headlights, now look like a cinema projector.



Réalisation, image et son : Clara Lemercier Gemptel
Modèle : Solal Lanel, Louis Dehais, Louise Charbonnel et Vincent Lemercier














Bruissement

2019, 4min07s, HD, Stéréo







Dans la nuit, au fond d’un jardin, trois hommes discutent. Le son du vent dans les feuillages nous empêche d’entendre leur conversation. Étonnamment, les bruits de leurs gestes, frottements, souffles sont, eux, bien audibles. Alors que la caméra se rapproche, l’identité de chacun des protagonistes se trouble.

In the night, at the garden’s back, three men talks. The sound of wind in the foliage prevents us from hearing what they talk about. Surprisingly, noises of their gestures, frictions and breathings are however quite audible. While the camera draws near, identities of these protagonists become less clear.


Réalisation, image et son : Clara Lemercier Gemptel
Comédien : Vincent Lemercier

















Mort-Né·es






Rassemblant 21 photographies réalisées entre 2017 et 2022, cette édition est le résultat de cinq année de recherches visuelles. Les images qui s’y trouvent ont été fabriquées à partir d’éléments provenant de mon quotidien que je relie volontairement, à travers des jeux de mise en scène, à diverses iconographies appartenant à une certaine histoire européenne de la peinture et à une histoire cinématographique du personnage. Des photographies qui sont de ce point de vue à la fois des expérimentations, des hypothétiques projets de films, mais aussi des remakes d’images déjà vues, fantomatiques, iconiques, qui ont marquées selon moi notre manière (et notamment la mienne) de représenter un corps à l’image.

Gathering 21 photos taken between 2017 and 2022, this edition is the result of five years of visual experimentations. The pictures were produced from elements of my daily life, that I link consciously, through staging plays, to various iconographies belonging to a certain European story of painting and to a certain cinematographic history of the character. These photos, in that regard, are both experimentations and hypothetical movie projects, but also remakes of already seen pictures, ghostly and iconic, which have marked, to me, the way – including mine – we depict the body through images.





























Les Corps Filmés: un laboratoire de l'abjection




Dans cet essai, j’ai analysé cinq scènes de films à partir des concepts de corps substantiels et de corps abjects définis par Judith Butler dans son livre Ces corps qui comptent. Vampyr de Dreyer, San Clemente de Depardon, Videodrome de Cronenberg, The Act of Seeing with Own One’s Eyes de Brackage, A Study in Choreography for a Camera de Deren sont ainsi appréhendés sous l’angle des rapports de force et de domination qui conditionnent la représentation des corps filmés à toutes les étapes du travail cinématographique. Ce travail d’écriture vise avant tout à articuler l’inévitable réification des corps filmés par le mécanisme cinématographique, soit l’impact évident du cinéma sur notre définition culturelle et sociale de l’individu, avec la possibilité d’un cinéma qui, en assumant pleinement la réification qu’il exerce sur les corps, serait également porteur d’un autre rapport à l’altérité.

« Ainsi, percevoir les corps filmés comme un champ d’expérimentation, un laboratoire infini à la manière de Frankenstein, est une conception du corps-cinéma qui permet à la fois de se détacher des conceptions naturalistes du corps mais également des considérations moralisatrices qui érigent le corps comme une chose inaliénable, définie, fixe. Cet écrit, bien loin de vouloir créer une éthique ou un protocole de représentation des corps, travaille au contraire à sa désacralisation. Il est une invitation à le considérer comme un outil politique parmi tant d’autres, que l’artiste peut ou non utiliser afin d’en tirer les effets politiques, sociaux, historiques et plastiques souhaités [...]. Mes films sont donc autant de tentatives de faire un cinéma qui ne renouvellerait pas les systèmes de privilèges et de stigmatisations des corps, mais qui élaborent des lieux d’expérimentations pour d’autres modes d’existence et d’individualité. C’est pour cette raison que je défends un cinéma qui avoue qu’il ne parle pas d’autrui, qui ne le représente pas, qui ne le comprend pas, un cinéma qui produit, bien au contraire, des corps creux, réifiés, inventés, opaques, qui, assumés comme tels, ouvrent la possibilité de nouvelles utopies sociales, débarrassées de la volonté de posséder l’autre ».
Pages 171-172




In this essay, I analyzed five movie scenes in the light of Judith Butler’s concepts of substantial bodies and abject bodies, as defined in Bodies that Matter. Vampyr by Dreyer, San Clemente by Depardon, Videodrome by Cronenberg, The Act of Seeing with Own One’s Eyes by Brackage and A Study in Choreography for a Camera by Deren are all considered from the perspective of power and domination struggles which condition filmed bodies depiction in all the steps of the cinematographic work. This written work mainly aims to articulate the unavoidable reification of filmed bodies by the cinematographic mechanism, that is the obvious impact of cinema on our cultural and social definition of the individual, with the possibility of a cinema which, fully assuming its reification on the bodies, would also promote an alternative perception of alterity.

“Perceiving filmed bodies as an experimentation field, an infinite laboratory à la Frankenstein, is a conception of the cinema-body which helps discarding both naturalist conceptions of the body and moralizing conceptions which erect the body as something unalterable, definite, settled forever. This essay, far from trying to create an ethic or a protocol of bodies depictions, works instead to its desacralization. It invites to consider the body as a political tool among others, that the artist can exploit as he likes to draw the political, social, historical, and plastic effects he desires […]. In that regard, each one of my movies is an attempt to make a cinema which would not reiterate systems of privileges and bodies stigmatization but would rather create spaces of experimentations for alternative forms of existence and individuality. It is precisely for this reason that I defend a cinema admitting that it says nothing of the other, that it does not represent it, nor understands it; a cinema which produces, to the contrary, emptied, reified, invented, opaque bodies which, assumed as such, open the possibility of new social utopias, free from the desire to possess others”.
Pages 171-172.








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Création graphique : Mathilde Courtot et Clara Degay
















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