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Clara Lemercier Gemptel








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Influencée par le cinéma d’horreur, je crée dans mes films des corps divers (creux, stéréotypés, angoissants, fantomatiques) qui interrogent tous à leur manière la possibilité d’une altérité au cinéma. À travers eux, je décortique les codes cinématographiques, normes esthétiques, rapports de forces et de domination qui conditionnent la représentation des corps à l’image et nos habitudes d'identification et d'empathie. Je crois qu’il est « aussi important de penser comment et à quelle fin les corps sont construits que de penser comment et à quelle fin les corps ne sont pas construits [...] »*. Un travail de mise en scène qui, bien souvent, accompagne des témoignages réels, individuels ou collectifs, de personnes dont le corps a été objectifié, violenté, contraint ou discriminé. Entre expériences vécues et représentations fictionnelles, ces dispositifs cinématographiques sont pour moi des manières d’affirmer que l’image d’un corps est avant tout le produit d’un discours (politique, social, culturel, historique) d’un rapport au réel, l’espace-temps: une définition idéologique de l’individualité.

Influenced by horror cinema, I create various bodies in my movies – stereotyped, hollow, frightening, ghostly – which question, each in its own way, the possibility of some otherness in cinema. Through these bodies, I unravel the cinematographic codes, the esthetical norms, the power and domination struggles which condition bodies representation and our habits of identification and empathy. I believe it is "it will be as important to think about how and to what end bodies are constructed as is it will be to think about how and to what end bodies are not constructed [...]"*. My staging work is often accompanied by real, individual or collective testimonies from people whose bodies have been objectified, violated, constrained, or discriminated against. Between lived experiences and fictional representations, these cinematic devices are ways of affirming that every body representation is above all the product of a political discourse, of a reference to history, to reality, to space and time, of an ideological definition of individuality.

* Judith Bulter, Ces Corps qui comptent: de la matérialité et des limites discursives du “ sexe ”, [Bodies that Matter: on the Discursive Limits of “Sex”, 1993], trad. Charlotte Nordmann, Paris, Éditions Amsterdam, 2009, p. 37.












Soma

2024, 47min15s, HD, Stéréo/5.1


Dans le vacarme permanent des machines, des voix de travailleurs et de travailleuses se font entendre. Des cadres, des infirmières, des assureurs, des commerciaux qui décrivent, avec leurs propres mots, les divers mécanismes, organisations du travail, violences, qui les ont amenés à développer une multitude de symptômes de souffrance physiques et psychiques. En incarnant tour à tour ces récits individuels, d’étranges silhouettes blanches tentent de redonner un corps à ces voix anonymes. Elles traversent ainsi plusieurs espaces labyrinthiques vidés de toute présence humaine: salles d’archives, hangars industriels, blanchisserie hospitalière, bureaux abandonnés.

Amid the constant din of machines, worker’s testimonies are heard. Each in his or her own way, they describe the various mechanisms, work organization and violence that have led them to develop a multitude of physical and psychological symptoms. By embodying these individual accounts, strange white silhouettes attempt to give body to these anonymous voices.





« Au sein d’une culture visuelle accordant au corps une place essentielle comme matrice perceptive, cognitive et psychologique, le cinématographe devient la métaphore privilégiée en vue de théoriser le fonctionnement de l’appareil psychique.»
Mireille Berton, Le corps nerveux des spectateurs, 2015, Éditions L’Âge de l’homme, Lausanne, p. 18.





View of Soma’s installation at Grandes Locos for the 17th Lyon Biennial of Contemporary Art, presented from September 2024 to January 2025.
1 x 4K video projector / 1 x 5.1 sound system / color filters / 9 office chairs

Comédiennes : Fanny Godel-Reche et Lucie Garçon
Réalisation, montage, prise son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel
Image : Coline Costes
Prise son : François Geslin, Lise Lebleux
Montage son : Lise Lebleux
Mixage son : François Geslin
Lumière : Mathilda Bouddau
Script : Louen Poppé
Décors : Clara Degay, Clara de Lencquesaing, Chloé Liberman
Avec le soutien de la Mairie du 4ème arrondissement de Lyon, la blanchisserie hospitalière Saucona de Gleizé, la Préfecture de Mayenne, l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon, l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre de Lyon, le Studio Actarus et le Fresnoy.













Team Spirit

2022, 11min15s, HD, Stéréo/5.1


Une équipe sportive éclairée par de puissants projecteurs s’entraîne dans un espace vaste et sombre. Leurs corps s’y confrontent, s’y soutiennent et s’y effondrent collectivement. Les bruits des cris, gestes, souffles et chutes se mêlent dans l’espace sonore jusqu’à ne plus former qu’un seul et même organisme bruyant. Un corps collectif, à la fois discipliné et solidaire, dans lequel chaque individu s’efface au profit de la structure fragile et informe du groupe.

A sport team trains in a dim and vast space. Bodies collide, support each other, or collapse collectively. The sound of them yelling, moving, breathing, falling – everything merges into one and only organism. This plural body is frail and shapeless, disciplined and supportive altogether.






Video installation of TEAM SPIRIT made in Théâtre des Subsistances, bâtiment 22, june 2022.
1 suspended screen / 1 projector /1 amp / 2 speakers.

Cheerleaders : Les Jaguars de Lyon
Entraînement : Morgan D'Orazio
Réalisation, montage son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel
Image : Coline Costes et Mehdi Laïd
Prise son et mixage son : François Geslin et Lise Lebleux
Lumière : Mathilda Bouddau
Script : Valentine Haibette












Stick Together

Installation sonore de 39min19s, composée de six haut parleurs en 6.0, taille variable, 2024.


L’installation sonore Stick together est composée d’une vingtaine de témoignages recueillis auprès d’équipes de majorettes et de twirling exerçant dans le nord de la France. Des paroles de sportives, de capitaines et de juges de compétition qui décrivent la manière dont ces groupes perçoivent, façonnent et performent collectivement leur discipline. Alors que ces pratiques se fondent sur des exigences de synchronicité et d’uni formité, cette installation sonore donne à entendre des paroles individuelles et autocri tiques. Grâce à chacun des six haut-parleurs disposés dans l’espace, les voix circulent, se répondent en écho ou se contredisent, selon des jeux de montage et de spatiali sation sonore. Ces groupes apparaissent alors comme une communauté détenant son propre vocabulaire, ses propres codes, enjeux, dissensions et rapports de pouvoirs.

The Stick together sound installation is made up of some twenty testimonials collec ted from majorette and twirling teams in northern France. The words of sportswomen, captains and competition judges describe how these groups collectively perceive, shape and perform their discipline. While these practices are largely based on synchronicity and uniformity, this sound installation allows us to hear individual, self-critical words. Through each of the six loudspeakers positioned in the space, the voices move around. They echo or contra dict each other, depending on the interplay of sound editing and spatialization. These groups then appear as a community, fuction ning within its own vocabulary, codes, issues, conflicts and power relations.




View of the Stick Together sound installation presented at the Maison de la Gare Saint Sauveur in Lille in October 2024.
6 speakers / 6 x 10m audio cables / 3 amplifiers / 1 sound card / 1 computer

Prise de son : Clara Lemercier Gemptel et François Geslin
Montage son : Clara Lemercier Gemptel
Remerciements aux équipes de majorette de Brouckerque, d'Hérin, de Wattignies, de Gravelines, de Coukerque, de Wallers, de Oye Plage, de Lens, d'Avesnes Les Aubert et de Loos, l'équipe de twirling de Dunkerque, de Ronchin, d'Hégenheim et de Martigues, la Fédération NBTA, l'équipe de France de Twirling, mais aussi Daniel Cooreman, Lille3000 et Margaux Dodard.












La Machine à influencer

2022, 6min05s, installation vidéo et sonore sur 4 écrans, HD, Stéréo/2.1


Des centaines de tenues hospitalières glissent le long de rails métalliques. Aucune intervention humaine ne semble régir cette immense et bruyante machine qui trie, lave et repasse les vêtements. Le bruit est assourdissant. Du côté des spectateurs, sur le quatrième écran, un liquide blanc et visqueux apparaît. Il s’écoule lentement jusqu’à fait apparaître la silhouette d’un corps. L’individu se lève puis disparaît. Entourés par les images et les sons de cette usine, les visiteurs se mêlent aux divers corps qu’elle produit, impersonnels, anonymes, uniformes, fantômatiques.

Hundreds of hospital outfits are sliding along metal rails. No human intervention seems to preside over this huge and noisy machine which sorts, washes, and irons clothes. The noise is deafening. On the fourth screen, a white, viscous liquid appears. It flows out slowly until the outline of a body comes out. The individual stands up and then disappears. Surrounded by the pictures and sounds of the factory, visitors mingle with the various, impersonal, anonymous, ghostly bodies it produces



« Cinema has been studied as an apparatus of repre sentation, an image machine developed to construct images or visions of social reality and the specta tors’ place in it. But, insofar as cinema is directly implicated in the production and reproduction of meanings, values, and ideology in both sociality and subjectivity, it should be better understood as a signifying practice, a work of semiosis: a work that produces effects of meaning and perception, self images and subject positions for all those involved, makers and viewers; and thus a semiotic process in which the subject is continually engaged, repre sented, and inscribed in ideology. »
Teresa De Lauretis , Alice Doesn’t: Feminism, Semiotics, Cinéma [1984], Bloomington, Indiana University Press, p. 47.



Views of the The influencing machine’s installation at the Paris prize in Septembre 2022.
4 screens, 4 videoprojectors, 2 speakers, 1 subwoofer, 1 amplifier.

Comédien : Louen Poppé
Réalisation, montage son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel
Régisseur son : François Geslin
Blanchisserie Hospitalière Saucona














Posez vos mains sur son corps

2022, 6min16s, installation vidéo et sonore sur 1 écran, HD, Mono


Une femme, dans la nuit, mime la bande son d’un audioguide. Celui-ci provient de l’exposition L’art et la matière, prière de toucher créée par les musées des beaux-arts de Lyon, Nantes, Lille, Rouen et Bordeaux en 2021. Ainsi détourné, remonté et rejoué, l’audioguide décrit désormais spécifiquement l’expérience tactile supposée des spectateurs touchant les corps sculptés féminins. En l’absence des œuvres elles-mêmes, les mots et expressions choisis pour les décrire mettent en évidence, malgré eux, la manière dont les canons esthétiques issues de l’histoire de l’art occidental imprègnent toujours aujourd’hui notre perception des corps. L’installation est constituée d’une projection et de plusieurs audioguides à disposition des spectateurs.

In the night, a woman mimes the soundtrack of an audio guide. This one is from the exhibition The Art and the matter, please touch created by the museums of fine art of Lyon, Nantes, Lille, Rouen, and Bordeaux in 2021. In the film, the audio guide is distorted, reassembled and replayed. Now, it specifically describes the supposed tactile experience of spectators touching the sculpted female bodies. In the absence of these sculpted female bodies, the words and expressions chosen to describe them highlight, in spite of themselves, the way aesthetic canons from western art history still permeate our perception of bodies today. The installation consists of one projection and several audio guides available to the audience.






Views of Place your hands on her body’s installation at the Linossier prize in September 2022.
1 videoprojector / 4 headphones / 4 high frequency transmiters / 1 sound card / 2 benches.

Comédienne: Lucie Garçon
Réalisation, montage son et image, étalonnage : Clara Lemercier Gemptel













Protocole

Série de films







Synopsis Deux amies, assises autour d’une table, décrivent des images qu’elles tiennent entre leurs mains. Celles-ci représentent des corps morcelés ou entiers, vivants ou morts, seuls ou en groupe. Jamais le spectateur ne pourra les regarder par lui-même: il est dépendant de leurs descriptions pour se les représenter. À travers une fenêtre, une étrange créature observe la scène.

La série de films Protocole est la déclinaison d’un seul et même film à l’intérieur duquel s’opèrent, à chaque épisode, diverses modifications. Les comédiennes, les images décrites, les méthodes de tournage, les points de vue, les trucages, la synchronicité du son, changent et évoluent de telle manière que la perception que nous avons des corps représentés se modifient au fil des épisodes : la créature, les deux amis, les corps décrits, apparaissent tour à tour absurdes, réalistes, stéréotypés, inquiétants. À partir d’un synopsis commun, il s’agit de comprendre comment divers techniques cinématographiques conditionnent et transforment notre manière de percevoir les différents corps présents dans un film. Le numéro de chaque épisode de Protocole correspond à celui du binôme lors du casting. Ainsi, ces films intègrent volontairement leur réalité de production à leur récit, de manière que les deux deviennent complètement interdépendants.



Synopsis Two friends, sat at a table, describe several images that they hold in their hands. These images depict bodies, whole or fragmented, dead or alive, alone or in groups. The spectator will never see them through his own eyes; the girls’ depictions are his only support for his own representation. Through a window, an eerie creature watches the scene.

The film series Protocole is the development of one and only film, in which various modifications happens each episode. The actresses, the pictures being described, methods of filming, points of view, the effects, the sound synchronicity, transform in a way that changes our perception of those bodies through the episodes: the creature, the two friends, the bodies being described, appear alternatively absurd, realistic, stereotyped, eerie. Starting from a common synopsis, the matter is to understand how different cinematographic techniques condition and transform our way of perceiving the various bodies presented in a film. Every Protocole episode has a number, which corresponds to the different actresses duos in the casting. This way, the films consciously integrate their material production into their narratives, both becoming completely interdependent.



Protocole n°44

3ème épisode de la série, 2022, 12min08s, HD, Stéréo



Protocole n°34

2ème épisode de la série, 2021, 10min38s, HD, Stéréo



Protocole n°11

1ème épisode de la série, 2021, 10min00s, HD, Stéréo




Views of the films series Protocole’s installation in three different rooms in Théâtre des Subsistances, June 2022.
3 screens / 3 benches / 6 speakers.


Protocole n°44
Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Prise son : Lise Lebleux
Comédiennes : Guillemette Crémése et Marianne Peuch-Lestrade

Protocole n°11
Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Prise son : Lise Lebleux
Comédiennes : Alexia Chazelle et Carla Legay

Protocole n°34
Réalisation, image et montage : Clara Lemercier Gemptel
Prise son : Lise Lebleux
Comédiennes : Anne-Laure Sanchez et Guenièvre Busto












Listen to the house

2021, 15min04s, HD, Stéréo



Créé aux côtés de Lise Lebleux (artiste sonore), Agnès Gayraud (musicienne et philosophe) et François Virot (musicien), ce film est une balade sonore à l’intérieur de la Villa Gillet, l’ancienne demeure d’une riche famille d’industriels lyonnais, devenue aujourd’hui la maison internationale de l’écriture contemporaine. Il s’agit à travers ce film d’appréhender l’histoire du lieu, non pas uniquement du point de vue de son architecture, mais aussi à partir de ces caractéristiques sonores. Escalier, cave, grenier, grand salon, chaque espace, objet, surface, devient notre terrain de jeu pendant cette exploration. Nous y faisons résonner notre présence de multiples manières : grâce à des objets trouvés, nos voix, nos gestes, nos instruments de musique. Uniquement composé à partir de plans fixes, ce film adopte le point de vue de celle qui reçoit ces présences et qui les fait résonner : la maison elle-même.

Made with Lise Lebleux (sound artist), Agnès Gayraud (musician and philosopher), and François Virot (musician), this movie is a sound walk inside the Villa Gillet, that is the ancient residence of a rich family of industrialists in Lyon, now the international house of contemporary writings. This movie is about apprehending the place’s story, not only from an architectural point of view, but also from its sound characteristics. Stairs, cave, attic, large living room – each space, object or surface becomes our playground during this exploration. We make our presence resonating in several ways: with the help of the objects we find, our voices, our gestures, our musical instruments. This movie is only made up with fixed shots, and in that regard adopts the point of view of the one receiving these presences and making them resonate; the residence itself.



Réalisation, image et son : Clara Lemercier Gemptel
En collaboration avec Lise Lebleux, Agnès Gayraud et François Virot.












Matte Paintings

Série de 10 photographies, 2024


Le matte painting est une technique cinématographique consistant à peindre la représentation d’un paysage, d’un décor ou d’un lieu éloigné afin de créer à l’image l’illusion d’un environnement qui n’est pas présent sur le lieu de tournage. Les 10 photographies qui composent cette série d’images ont été réalisées en 2024 à l’intérieur de carrières de pierre et d’usines de conditionnement de calcaire en activité dans la région du Salzkam mergut en Autriche ainsi qu’au musée de l’histoire minière d’Hallstatt. Les espaces, objets et personnages qui y sont représentés dessinent un récit national fantasmé, impré gné des modes narratifs hollywoodien et de l’iconographie du cinéma de science-fiction.

Matte painting is a cinematographic technique involving the painting of a lands cape, a set or a location to create the illusion of an environment that is not present at the shooting location. These 10 photographs were taken inside active stone quarries and limestone conditioning plants in the Salzkammergut region of Austria, as well as at the Hallstatt Mining History Museum. The spaces, objects and characters depicted in these works sketch out a fantasized national narrative, imbued with Hollywood story-telling and the iconography of science-fiction cinema.















Mort-Né·es

2022, édition composée de 21 prints,30 x 55 cm


Rassemblant 21 photographies réalisées entre 2017 et 2022, cette édition est le résultat de cinq année de recherches visuelles. Les images qui s’y trouvent ont été fabriquées à partir d’éléments provenant de mon quotidien que je relie volontairement, à travers des jeux de mise en scène, à diverses iconographies appartenant à une certaine histoire européenne de la peinture et à une histoire cinématographique du personnage. Des photographies qui sont de ce point de vue à la fois des expérimentations, des hypothétiques projets de films, mais aussi des remakes d’images déjà vues, fantomatiques, iconiques, qui ont marquées selon moi notre manière (et notamment la mienne) de représenter un corps à l’image.

Gathering 21 photos taken between 2017 and 2022, this edition is the result of five years of visual experimentations. The pictures were produced from elements of my daily life, that I link consciously, through staging plays, to various iconographies belonging to a certain European story of painting and to a certain cinematographic history of the character. These photos, in that regard, are both experimentations and hypothetical movie projects, but also remakes of already seen pictures, ghostly and iconic, which have marked, to me, the way – including mine – we depict the body through images.

















Les Corps Filmés : un laboratoire de l'abjection

Edition, 178 pages, 15 x 22cm, 2021,français.


Dans cet essai, j’ai analysé cinq scènes de films à partir des concepts de corps substantiels et de corps abjects définis par Judith Butler dans son livre Ces corps qui comptent. Vampyr de Dreyer, San Clemente de Depardon, Videodrome de Cronenberg, The Act of Seeing with Own One’s Eyes de Brackage, A Study in Choreography for a Camera de Deren sont ainsi appréhendés sous l’angle des rapports de force et de domination qui conditionnent la représentation des corps filmés à toutes les étapes du travail cinématographique. Ce travail d’écriture vise avant tout à articuler l’inévitable réification des corps filmés par le mécanisme cinématographique, soit l’impact évident du cinéma sur notre définition culturelle et sociale de l’individu, avec la possibilité d’un cinéma qui, en assumant pleinement la réification qu’il exerce sur les corps, serait également porteur d’un autre rapport à l’altérité.

« Ainsi, percevoir les corps filmés comme un champ d’expérimentation, un laboratoire infini à la manière de Frankenstein, est une conception du corps-cinéma qui permet à la fois de se détacher des conceptions naturalistes du corps mais également des considérations moralisatrices qui érigent le corps comme une chose inaliénable, définie, fixe. Cet écrit, bien loin de vouloir créer une éthique ou un protocole de représentation des corps, travaille au contraire à sa désacralisation. Il est une invitation à le considérer comme un outil politique parmi tant d’autres, que l’artiste peut ou non utiliser afin d’en tirer les effets politiques, sociaux, historiques et plastiques souhaités [...]. Mes films sont donc autant de tentatives de faire un cinéma qui ne renouvellerait pas les systèmes de privilèges et de stigmatisations des corps, mais qui élaborent des lieux d’expérimentations pour d’autres modes d’existence et d’individualité. C’est pour cette raison que je défends un cinéma qui avoue qu’il ne parle pas d’autrui, qui ne le représente pas, qui ne le comprend pas, un cinéma qui produit, bien au contraire, des corps creux, réifiés, inventés, opaques, qui, assumés comme tels, ouvrent la possibilité de nouvelles utopies sociales, débarrassées de la volonté de posséder l’autre ».
Pages 171-172



In this essay, I analyzed five movie scenes in the light of Judith Butler’s concepts of substantial bodies and abject bodies, as defined in Bodies that Matter. Vampyr by Dreyer, San Clemente by Depardon, Videodrome by Cronenberg, The Act of Seeing with Own One’s Eyes by Brackage and A Study in Choreography for a Camera by Deren are all considered from the perspective of power and domination struggles which condition filmed bodies depiction in all the steps of the cinematographic work. This written work mainly aims to articulate the unavoidable reification of filmed bodies by the cinematographic mechanism, that is the obvious impact of cinema on our cultural and social definition of the individual, with the possibility of a cinema which, fully assuming its reification on the bodies, would also promote an alternative perception of alterity.

“Perceiving filmed bodies as an experimentation field, an infinite laboratory à la Frankenstein, is a conception of the cinema-body which helps discarding both naturalist conceptions of the body and moralizing conceptions which erect the body as something unalterable, definite, settled forever. This essay, far from trying to create an ethic or a protocol of bodies depictions, works instead to its desacralization. It invites to consider the body as a political tool among others, that the artist can exploit as he likes to draw the political, social, historical, and plastic effects he desires […]. In that regard, each one of my movies is an attempt to make a cinema which would not reiterate systems of privileges and bodies stigmatization but would rather create spaces of experimentations for alternative forms of existence and individuality. It is precisely for this reason that I defend a cinema admitting that it says nothing of the other, that it does not represent it, nor understands it; a cinema which produces, to the contrary, emptied, reified, invented, opaque bodies which, assumed as such, open the possibility of new social utopias, free from the desire to possess others”.
Pages 171-172.





Téléchargeable ici

Création graphique : Mathilde Courtot et Clara Degay












Cycle de projection : Un laboratoire de l’abjection



Un laboratoire de l’abjection est un cycle de huit projections mêlant des films d’ar tistes, films documentaires et cinéma de genre, qui s’est déroulé du 8 janvier au 26 avril 2023 à monopôle, artist-run space situé à Lyon. Chaque projection est composée d’un court-métrage et d’un long-métrage, produit entre 1907, pour le plus ancien, et 2022, pour le plus récent, de manière à élaborer un dialogue entre deux œuvres traitant d’une thématique commune depuis des époques et des points de vue différents.
Dans cette programmation, les films d’Alice Guy cohabitaient avec ceux d’Abel Ferrara, ceux de Lucile Hadžihalilović avec ceux de Carole Roussopoulos, ceux du collec tif Youpron avec ceux de Marie Losier. En présence des réalisateur.ice.s ou non, à l’issue de chacune de ces projections, nous avons échangé autour des enjeux cinématogra phiques, politiques, militants et historiques liés à la représentation des corps au cinéma et l’élaboration des corps dits abjects.

« Judith Butler, dans Ces Corps qui comptent: de la matérialité et des limites discursives du “ sexe ” [Bodies that Matter: on the Discursive Limits of “Sex”, 1993], trad. Charlotte Nordmann, Paris, Éditions Amsterdam, 2009, explique que nos conceptions de l’individu et des corps sont conditionnées par ce qu’elle appelle « le processus de matérialisation», c’est-à-dire le processus culturel et historique qui, à partir d’un ensemble de normes réitérées, crée ce lien, qui nous semble pourtant naturel, entre la forme d’un corps et sa capacité à porter une intériorité. C’est donc à travers ce processus de matérialisation que, selon elle, le sujet peut advenir. Néanmoins, elle souligne que cette normalisation des corps par le processus de matérialisation a pour conséquence de produire une dichotomie entre les corps dits substantiels, ceux qui ont pu acquérir ce statut d’individu, et ceux qui, par opposition, tombent dans l’abjection, qui sont rejetés en dehors de ce statut. S’il est nécessaire de dessiner les contours de ceux qui seront considérés comme des individus au sein d’une société, les corps abjects apparaissent logiquement comme la conséquence inévitable de l’élaboration de cette définition. »
Extrait de la présentation du cycle de projection



Un laboratoire de l’abjection is a cycle of eight screenings combining artists’ films, documentaries and genre cinema, held from January 8 to April 26, 2023 at Monopôle, an artist-run space in Lyon. Each screening is made up of a short film and a feature-length film, produced from 1907 for the oldest, up to 2022, so as to create a dialogue between two works dealing with a common theme from different eras and points of view.
In this program, the films of Alice Guy cohabited with those of Abel Ferrara, those of Lucile Hadžihalilović with those of Carole Roussopoulos, and those of the Youpron collective with those of Marie Losier. At the end of each screening, with or without the directors present, we discussed the cine matographic, political, activist and histori cal issues surrounding the representation of bodies in cinema and the elaboration of so-called abject bodies.

« Judith Butler, in Bodies that Matter: on the Discursive Limits of “Sex” (1993), french trans. Charlotte Nordmann, Paris, Éditions Amsterdam, 2009, explains that our conceptions of the individual and of bodies are conditioned by what she calls “the process of materialization”, i.e. the cultural and historical process which, on the basis of a set of reiterated norms, creates this link, which nevertheless seems natural to us, between the shape of a body and its capacity to carry an interiority. It is through this process of materialization that, in her view, the subject can emerge. Nevertheless, she points out that this normalization of bodies through the process of materialization has the consequence of producing a dichotomy between so-called substantial bodies, those who have been able to acquire this status of individual, and those who, by contrast, fall into abjection, who are rejected outside this status. If it is necessary to draw the contours of those who will be considered individuals within a society, abject bodies logically appear as the inevitable consequence of the elaboration of this definition.”
[my translation]
Extract from the presentation of the screening cycle.




1. Photograph of the discussion following the screening of Feminist revolution in cinema, featuring Roussopoulos’ Y’a qu’à pas baiser and Borden’s Born in flames, which took place on January 8, 2023 at monopôle, Lyon.
2. Printed program for the screening cycle Un laboratoire de l’abjection, designed by graphic artist Romain Guillo.













Curriculum Vitae

— Expériences artistiques ; expositions, festivals, résidences —

2025
Projection de Soma, suivi d’un débat publique, organisée par l’Université de Lorraine à la bibliothèque de Bouligny.
Participation au workshop Marée Montante organisé par Bénédicte Le Pimpec à Frûctose, Dunkerque,suivi de la publication de l’édition collective SY AB CO.
Obtention de la bourse Brouillon d’un rêve documentaire dotée par SCAM pour le projet Un oeil dans l’autre monde.

2024
Obtention de l’aide à l’écriture audivisuelle documentaire dotée par la Région Normandie ( Normandie Images ) pour le projet Un oeil dans l’autre monde.
Projection de Soma suivi d’un débat public organisé par la chaire «Valeurs de soin» de l’Université de Lyon, France.
Exposition en duo à la Gare Saint Sauveur organisée par Lille3000, Lille, France.
Exposition du film Soma pour le festival Les Instants Vidéo à la Friche de la Belle de Mai, Marseille.
Exposition du film Soma pour la Biennale d’art contemporain de Lyon, commissariat par Alexia Fabre, Lyon.
Exposition collective dans le cadre des villes européennes de la culture 2024, Bad Ischl, Autriche.
Projection de TEAM SPIRIT au centre culturel Shatian à Shenzhen, Chine.

2023
Projection de TEAM SPIRIT au festival des Inaccoutumés à la Ménagerie de Verre, Paris, France.
Projection de TEAM SPIRIT au centre d’art TANK de Shanghai pour le Cinedans Tour de Nowness China.
Résidence de création d’un mois dans le cadre des villes européennes de la culture 2024, Bad Ischl, Autriche.
Exposition collective de la Biennale de la jeune création de Mulhouse au MoToCo, Mulhouse.
Programmatrice du cycle de projection Corps abjects organisé à Monopôle, Lyon.
Programmation de TEAM SPIRIT sur Saisonvideo.net, plateforme de streaming.
Mention Spéciale pour TEAM SPIRIT en sélection officielle au festival Si Cinéma, Centre Pompidou, Paris.
Projection de TEAM SPIRIT dans la séléction étudiante du CINEDANS festival, Eye Filmmuseum, Amsterdam.
Exposition collective 100% L’Expo à la Grande Halle de La Villette, Paris.

2022
Lauréate du Prix Linossier à l’ENSBA de Lyon pour l’installation Posez vos mains sur son corps.
Projection de TEAM SPIRIT en sélection officielle Essai / Art vidéo au festival Côté-Court de Pantin.
Exposition collective Histoire d’un ciel en creux : Chapitre II à la Brasserie Atlas, Bruxelles.
Projection de Protocole n°11 et Protocole n°34 en séléction officielle au festival Si Cinéma, Caen.
Exposition collective Clac Slash Crash à Monôpole, Lyon.

2021
Diffusion du film Listen to the House sur le site du Centre d’Art Contemporain de Genève, carte blanche de 5Rh floor radio.
Résidence pour le projet Listen to the House à la Villa Gillet, maison internationale des écritures contemporaines de Lyon, avec Agnès Gayraud, François Virot et Lise Lebleux.
Résidence de création dans le cadre du programme La meute, à Moly Sabata, Les Sablons.
Diffusion du film Le joueur dans la catégorie Art Academy du festival Vidéoformes, Clermont-Ferrand.

2019
Projection de Bruissement (Comédie Nocturne) dans le cadre de Première Fenêtre au festival du Cinéma du Réel, Paris.


— Formation —

2022
Diplôme national supérieur d’expression plastique avec les félicitations du jury à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon.

2020
Diplôme national d’art avec les félicitations du jury à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon.







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